La bataille de Woerth (froeschwiller).
Texte extrait des Mémoires du maréchal H. De Moltke. La guerre de 1870 par le maréchal comte de Moltke. Edition française éditée à Paris en 1891.
Déjà, pendant la nuit du 5 au 6 août, les avants postes allemands et français avaient eu, sur différents points, maille à partir les uns avec les autres. Aussi le général commandant la 20e brigade (allemande) crut-
On se rendit bien vite compte qu’on avait, en face de soi, des ennemies en grand nombre occupant une forte position.
Les vastes prairies de la Sauer se trouvent partout commandées, à bonne portée, depuis le rebord droit de la vallée et les Français allaient forcément pouvoir tirer tout le parti possible de leur fusil Chassepot à longue portée. Sur la rive opposée du cours d’eau, le terrain était couvert de vignobles et de houblonnières qui offraient de grands avantages aux défenseurs.
Le combat engagé près de Woerth fut interrompu au bout d’une demi-
Le Ve corps posté en face de Woerth engagea dès lors la bataille au nord comme au sud, et il semblait indispensable d’occuper sérieusement l’adversaire au centre afin de l’empêcher de se jeter avec toutes ses forces sur l’une ou l’autre des deux ailes.
L’artillerie reçut l’ordre de se porter en avant et à 10 heures 108 bouches à feu allemandes avaient ouvert le feu sur le bord est de la vallée de la Sauer.
Des détachements d’infanterie passèrent la rivière à gué ayant de l’eau jusqu’à la poitrine ; mais ce mouvement offensif échoua, vu qu’il avait été tenté avec des forces insuffisantes et ce ne fut qu’au prix des plus grands efforts qu’on parvint à se maintenir sur la rive opposée.
Le prince royal prescrivit aux chefs des corps d’armée de ne rien entreprendre qui pût amener une bataille ce jour-
L’attaque de front avait à lutter contre les difficultés les plus grandes ; elle ne pouvait guère aboutir que si on exécutait en même temps une attaque de flanc. Mais précisément en ce moment les Bavarois, à l’aile droite, se conformant à l’ordre du prince royal, qui leur avait également été transmis, interrompaient le combat et se retiraient à Langensulzbach. Mais, à l’aile gauche, le XIe corps se tenait prêt à intervenir d’une manière décisive. Il s’empara de la ferme d’Albrechtshausen et s’engagea dans la forêt dite le Niederwald.
En avant de Woerth la lutte consistait en une série de retours offensifs exécutés à plusieurs reprises, tantôt par les français, tantôt par les Allemands. Vu la configuration du terrain, celui des deux adversaires qui prenait l’offensive se trouvait chaque fois avoir le dessous.
Cependant on parvint peu à peu à amener sur la rive occidentale de la Sauer tous les bataillons et finalement aussi l’artillerie du Ve corps, tandis que le XIe corps avait déjà conquis dans ces parages des points d’appui solides pour le mouvement en avant qu’il devait exécuter ultérieurement.
C’est à ce moment que, malgré la configuration du terrain la plus désavantageuse qu’il soit possible d’imaginer, deux régiments de cuirassiers, et un de lanciers, de la brigade Michel, se précipitèrent sur l’infanterie allemande qui était précisément en train d’exécuter une conversion à droite près de Morsbronn. Les Français chargeaient avec la plus grande intrépidité, mais le 32e régiment d’infanterie, sans chercher à s’abriter derrière les couverts qu’offre le terrain, resta déployé en tirailleurs et reçut cette masse de plus de 1000 chevaux, qui s’avançait comme un ouragan, par une fusillade qui fit subir des pertes énormes aux cuirassiers en particulier.
Quelques cavaliers traversèrent la ligne des tirailleurs et gagnèrent le large, beaucoup furent faits prisonniers dans le village ; les autres poussèrent leur charge furieuse jusqu’à Walbourg. Là, ces cavaliers, qui avaient perdu toute cohésion, rencontrèrent le 13e régiment de hussards prussiens, subirent de nouvelles pertes et disparurent du champ de bataille.
A la vérité, l’infanterie de l’aile droite française réussit à refouler les fractions les plus avancées de l’armée ennemie près de la ferme d’Albrechtshausen, mais elle ne put continuer sa marche en avant à cause du feu d’une nouvelle position d’artillerie qu’on venait de démasquer.
Quand enfin on eut fait franchir la Sauer aux derniers bataillons dont on disposait, le XIe corps s’avança pas à pas à travers le Niederwald en soutenant des engagements sans cesse renouvelés. A 2 heures et demie il atteignit la lisière septentrionale où il opéra sa jonction avec l’aile gauche du Ve. Le village d’Elsasshausen, tout en flammes, fut enlevé et l’on s’empara en outre du petit bois situé au sud de Froeschwiller, dans lequel les Français, firent une résistance des plus vives.
L’armée française, qui se voyait ainsi resserrée sur un espace fort retreint, se trouvait dans une position des plus critiques. A la vérité, son aile gauche tenait encore contre les Bavarois qui s’étaient de nouveau mis en marche pour l’attaquer, mais sur le front et dans son flanc droit elle se voyait serrée de près ; sa ligne de retraite était même sérieusement compromise. Aussi le maréchal de Mac-
A ce moment les Wurtembergeois s’avançaient venant du sud. Quoiqu’il eût été blessé à deux reprises, le général de Bose conduisit en avant toutes les troupes de son corps qu’il put réunir, afin de donner l’assaut au village de Froeschwiller, tout en flammes, qui constituait le dernier point d’appui de l’adversaire. L’artillerie se porta en avant à bonne portée pour tirer à mitraille et fraya la voie à l’infanterie qui de toute part pénétra dans le village. Après une résistance des plus vaillantes qu’ils continuèrent jusqu’à complet épuisement de leurs forces, les Français battirent enfin en retraite, à 5 heures, dans la direction de Reichshoffen et de Niederbronn. Ils étaient débandés. Au ruisseau de Falkenstein ils furent recueillis par la division de Lespart qui y était arrivée dans l’intervalle ; mais ces troupes fraîches ne fournirent qu’une résistance de courte durée et se virent entraînées dans la retraite générale.
La victoire remportée par la troisième armée avait été chèrement achetée : elle lui coûta 489 officiers et 10 000 soldats. On n’est pas absolument fixé sur le montant des pertes qu’avait subies l’armée française : toujours est-
Selon toute apparence la désorganisation de l’armée française était telle que la voix des chefs n’était plus écoutée. Une brigade seulement de la division Lespart prit en effet le chemin de Biche pour rejoindre la portion principale de l’armée française à Saint-
Du moment que le commandant en chef de la troisième armée et son état-